Choisir nos influences !
Parlons de nos influences du quotidien.
Est-ce que le récit qui suit vous parle ?
Quand je regarde une fiction policière (bien ficelée, avec des personnages au profil psychologique bien fouillé, suspens et mise en scène de qualité) c’est un plaisir de l’instant ! Pourtant je me couche pleine de sentiments désagréables.
Le suspens me laisse un goût de stress, les personnages le souvenir de leur obsession ou de la perversité de leur comportement. L’ambiance et la mise en scène me laissent leur aspect lugubre et sombre. C’est le deuxième effet Kiss Cool de ce bon moment de cinéma.
La fatigue y est pour quelque chose. Plus sensible, plus fragile, mon filtre et mon recul par rapport à la fiction n’a peut-être pas permis de me protéger de leurs influences ? C’est comme si la fiction était devenue réalité du point de vue de mes émotions …
Comment vous sentez vous en regardant les informations le soir ? Après ce reportage sur l’urgence écologique ou cette catastrophe climatique ? Après ce documentaire sur une prise d’otage, un crime, un attentat ?
En fonction des personnes et du moment, nous réagissons émotionnellement aux informations qui nous parviennent et sommes plus ou moins touchés par elles, plus ou moins durablement. Nous sommes également plus ou moins conscients de cet impact.
Comment fonctionne notre système émotionnel face aux influences extérieures ?
La pensée avant le sentiment
Il existe une forme de réaction de notre système émotionnel durant laquelle la pensée produit le sentiment :
Penser à un examen à venir, par exemple, peut produire chez l’étudiant une série de pensées anxiogènes pour de multiples raisons :
- La peur de l’échec scolaire, suite aux expériences passées ou à une mauvaise estime de soi.
- Le stress, par l’expérience de la pression induite de la part de son professeur, de ses parents, etc…
C’est un circuit des émotions différent de celui que l’on retrouve lorsqu’on est confronté à une situation d’urgence où l’émotion vient avant la pensée (circuit court de l’émotion voir article ici).
La logique de l’esprit émotionnelle
Voici quelques descriptions pour comprendre comment se comporte notre esprit émotionnel :
- Il a une logique associative. C’est à dire que le souvenir ou les représentations symboliques de la réalité équivaut à la réalité elle-même. « L’ambulance me fait penser à mon séjour à l’hôpital et me replonge dans la peur ». « Les pommes en dessert à la cantine me font penser à celle qui tomba sur la tête d’Isaac Newton et donc au malaise en cours de Math de 6ème avec Monsieur Sempiéroche ». Ainsi cette logique émotionnelle nous rend sensible aux métaphores, aux comparaisons, aux images, tel que nous le transmet les Arts. L’esprit émotionnel associe les choses par leurs ressemblances.
- L’esprit émotionnel fonctionne par pensée catégorique. Les choses sont noires ou blanches, elles n’ont pas de nuance. Il évalue en généralisant : « c’est toujours ainsi que cela se passe », «ce n’est jamais suffisant », « Je suis complètement perdu », …
- La pensée est personnalisée c’est-à-dire que l’on perçoit l’évènement par notre filtre personnel. On a l’impression que l’évènement agit par rapport à nous : Elle est en train de ME faire une crise, le platane est arrivé droit sur ma voiture, …
- Elle s’auto justifie: nos convictions sont des vérités absolues et la pensée ignore ce qui pourrait démontrer le contraire. « J’ai bien vu à son regard qu’il m’en voulait ! La preuve, il ne m’a pas adressé la parole de la soirée ».
Ainsi, l’esprit émotionnel défi les limites du temps. Il réagit même si les sentiments proviennent d’éléments du passé, de souvenirs : le passé s’impose au présent. Et notre réalité vit en nous selon notre état affectif du moment.
Quels impacts ont les influences de notre environnement sur notre état émotionnel ?
Livres, films, télévision, ordinateur, smartphone, tablette, spot publicitaire, réseaux sociaux, …
Nous sommes constamment exposés aux images, aux informations, influencés et parfois surexposés. Qu’en est-il de nos émotions face à ces influences ?
Pour la psychologue Hélène Romano, auteur de nombreux ouvrages sur le traumatisme psychique, le virtuel prend de plus en plus de place dans nos vies quotidiennes notamment par le biais des écrans. Cette omniprésence de la technologie réduit les frontières entre notre espace intime et le monde extérieur.
La fatigue due aux écrans
Cette technologie, mal utilisée, sans prévention des risques et sans mesure, créée différents types de fatigue.
- Une fatigue physique : notre corps reste assis et fixe un écran.
- De la fatigue visuelle : yeux rivés en continue devant l’écran.
Et cela provoque, selon l’utilisation de l’appareil, des maux de dos, des troubles musculo-squelettiques (douleurs lombaires, à la nuque, aux poignets et aux avant-bras). Des maux de tête, des conjonctivites, des douleurs ou sensations désagréables, des troubles du sommeil, etc…
- Une fatigabilité est également dû au fait de pouvoir être joignable à tout moment en fonction des catégories professionnelles (sentiment de harcèlement).
- Une fatigue neurobiologique : Immédiateté des informations sollicitant l’attention sans limite entre sphère privée et sphère intime (confusion des espaces et stress chronique). Cela impacte négativement notre capacité d’attention, de vigilance, de concentration, de mémorisation,…
- Une fatigue psychologique : nous avons besoin de temps et d’espace pour que notre esprit fonctionne correctement et les écrans amènent l’urgence, l’immédiat, la continuité, des informations en masse. Ils abolissent cette notion d’espace et de temps.
Fatigabilité et troubles nombreux
Débordés par l’afflux d’images, nous n’avons plus le temps de réfléchir, de s’interroger ou de penser. Lorsque l’Homme ne pense plus, il n’est plus en capacité d’agir de manière adaptée. Le virtuel prenant la place de la réalité d’une relation entre individu, nous coupe de l’expérience, du sensoriel, de l’échange empathique.
Hélène Romano écrit : « la culture médiatique actuelle du désastre et de la victimisation générale ne transmet que des informations les plus épouvantables possible et laisse croire à des menaces et des risques incessants. Un tel contexte condamne l’homme de ce début de XXIe siècle à se convaincre que le monde extérieur est inévitablement insécurisant ; ce qui ne fait que majorer sa détresse et son stress».
Selon elle, la fatigue numérique peut conduire :
- Aux troubles anxieux,
- Une hyper vigilance constante,
- A des troubles de l’humeur,
- Des troubles des conduites (addiction aux écrans, consommation d’alcool, de drogue, conduites à risques),
- A des troubles du comportement alimentaire, de la sexualité et des troubles psychosomatiques.
Ce constat souligne la nécessité d’un travail de prévention pour nous et les générations à venir. Il est important de nous remettre à penser ses outils pour pouvoir les remettre à leur place d’outils et ne plus en rester victime.
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste français a écrit des ouvrages de référence concernant le bon usage des écrans. Le site le bon usage des écrans est également intéressant à ce sujet.
Comment vit-on les influences lorsque l’on est fatigué?
Une anxiété par conditionnement social
L’anxiété peut être apprise c’est-à-dire que, déjà enfant nous apprenons l’anxiété en observant quotidiennement les réactions des membres de notre famille. La répétition des situations et le fait que l’enfant considère l’adulte comme un modèle, nous conditionne à ce type de réaction émotionnelle.
Lorsque nous percevons le monde extérieur, nous interprétons les événements par le biais de nos pensées. Ces pensées produisent une humeur. Les sentiments sont engendrés par nos pensées.
C’est pourquoi nous avons parfois des croyances qui ne correspondent pas à la réalité. On appelle cela des « distorsions cognitives ». Elles favorisent nos émotions négatives ou notre tendance à éviter les situations anxiogènes.
En situation d’épuisement notre capacité à relativiser et à dédramatiser s’amenuise. De ce fait les pensées engendrées par ce que nous écoutons ou ce que nous voyons sont amplifiées et ont tendance à nous submerger.
La fatigue rendant difficile notre capacité à faire des choix, nous sommes davantage à la merci de ces sources d’influences.
Quels impacts de ces influences sur l’épuisement ?
- Le mélange entre espace personnel et professionnel créer une charge mentale supplémentaire au sein de chaque espace. « Au travail, je pense à mes impôts en recevant un mail sur mon smartphone durant la pause de 10h et je reçois une relance de mon boss par texto quand je me repose sur mon canapé ». L’information est diffusée avec toutes les pensées associées.
- La création des besoins véhiculés par la publicité et le contenu de certains espaces digitals nous amène à l’insatisfaction, voir à la dépendance: « je dois absolument rafraichir la page régulièrement pour ne pas rater la promotion d’aujourd’hui », « je dois rester connecter pour ne rien rater des derniers scoops people », « je veux être le premier à trouver les vidéos qui feront le buzz », …
- La consultation des espaces numériques est chronophage: l’espace est sans fin et nous perdons tout repère de temps. Nous avons l’impression d’y avoir passé une petite heure alors que nous y sommes restés deux fois plus.
Il est important de pouvoir retrouver une maîtrise de notre temps et de ne plus subir les manifestations intempestives de nos objets connectés. Leur redonner leur place d’outils.
Lorsque l’on veut que notre corps fonctionne correctement, nous lui donnons du sommeil et une bonne alimentation. C’est un bon carburant pour lui. Notre esprit à également besoin d’un carburant adapté à ses besoins.
Les médias, les informations, les distractions, tout ce qui parvient à notre esprit peuvent être un carburant, bon ou moins bon pour lui selon les cas. Pour l’amener vers son bien-être, une alimentation équilibrée et saine de notre esprit lui sera donc nécessaire.
Comment y remédier ?
- Ne pas se laisser perturber : Notre cerveau est plus reposé lorsqu’on se concentre sur une tâche bien définie et que nous y sommes bien impliqués. En situation d’ennui ou de dispersion, le cerveau dépense plus d’énergie.
- Simplifier le flux d’informations qui entrent : Certains sélectionnent drastiquement les sources d’informations et d’autres prônent la diète médiatique (pas de lecture de journaux, ni de magazine, ni de télévision). Ils recherchent ainsi à sélectionner l’information et ne gardent que ce qui peut leur apporter de la valeur.
- Se protéger de certaines stimulations et de certaines influences le temps de reprendre un peu de force. Ensuite nous pourrons à nouveau agir sur notre manière de regarder et de vivre dans ce monde. Garder les influences positives et agréables et se détourner du négatif et du désagréable le temps de reprendre un peu pied.
- Modifier notre vision du monde pour retrouver un sens et une vision plus optimiste : L’optimisme nous permet de sourire à la vie, de nous ouvrir au monde, de retrouver de l’enthousiasme au quotidien et dans notre travail.
« La diète médiatique est l’art d’éviter ce bourrage de crâne pour nourrir sélectivement son esprit et le faire grandir, plutôt que de le gaver de mauvaises graisses jusqu’à ce qu’il implose »
Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études, par Olivier Roland, auteur et entrepreneur à succès.
Du bon usage de nos réseaux sociaux et de nos fils d’actualités
Nous ne sommes pas maître de ce que nous percevons, les images qui nous parviennent lorsque l’on parcourt nos fils d’actualités ou nos messageries, ne sont pas choisies. Nous les subissons.
Les réseaux sociaux nous amènent à nous comparer les uns des autres et donc à la possibilité d’éprouver un sentiment d’infériorité, de la honte, de la jalousie. Ils peuvent nourrir une mauvaise estime de soi et/ou fragiliser la confiance en soi.
En situation d’épuisement, on se rend moins compte de ce qui nous affecte et de ce qui nous influence. Nous sommes donc plus vulnérables.
Il est important de garder son libre arbitre dans l’usage de ces outils et libre à chacun de voir ce qui est bon ou mauvais pour lui.
Quelles alternatives pour ces flux ?
Il existe des pistes communes provenant du bon sens. Se tourner d’avantage vers ce type d’influence :
- La nature,
- Les personnes qui produisent chez nous des émotions agréables,
- Les outils et les médias qui ont du contenu qui nous intéresse, nous apporte des connaissances enrichissantes.
- Les livres, les films, les musiques, les podcasts,… qui produisent chez nous des émotions agréables, une détente, un sentiment d’apaisement, suscitent la créativité,…
- Les sources d’espoir, d’enthousiasme, la célébration des réussites, …
- Se couper des sources d’information généraliste et aller chercher de l’information dans des sources spécialisées.
Proposition de la semaine
Un répertoire de ressources, d’influences positives
Faite la liste des choses qui vous apportent du plaisir :
- Vos sources d’apaisement,
- Sources d’espoir,
- De douceur,
- Ce qui vous apporte un sentiment d’amour,
- Les choses qui vous enthousiasment,
- Vos sources de sécurité, …
- Écouter de la musique instrumentale qui a un effet apaisant ?
Préciser par quels moyens :
- livre,
- musique,
- film,
- espace,
- personnes, …
Se poser de bonnes questions :
- De quelle manière suis-je connecté (internet, réseau sociaux, …)?
- A quel point suis-je connecté ou hyper connecté (seulement si j’en ai besoin, dépendance totale, modéré, …) ?
- Compter le nombre de fois où je consulte mes appels, SMS, e-mails, tweets, dans une journée ?
- Est-ce qu’ils proviennent de ma vie personnelle ou davantage de mon travail ?
- Comment je me sens après une telle journée ?
- Comment je me sens quand je ne consulte les pas ?
- Quels sont les activités qui me laissent un sentiment désagréable ou d’une humeur maussade ?
Penser, observer, les personnes qui vous entourent et la manière dont elles vous influencent au quotidien.
- Comment je me sens pendant et après une discussion avec telle ou telle personne ?
Essayer de faire le tri
- Chercher à ce que les informations qui vous parviennent ne soient que des informations pertinentes pour votre vie.
- Trouver un moment particulier pour consulter les actualités (une fois par semaine ?)
Protégez-vous :
- Trouver le moment où vous vous sentez la capacité de garder le plus de recul sur les événements.
- En situation de fragilité, sélectionner uniquement les médias et les influences positives et agréables.
Expérimenter une journée sans influence :
Commencez petit
Allez-y à votre rythme et en fonction de votre besoin. Essayez peut-être de le faire pendant une heure, une demi-journée ou une journée complète. Puis augmenter petit à petit jusqu’à tenter la semaine ?
Cette expérience vous permet de percevoir ce qui est important de ce qui sont des distractions inutiles, chronophages ou néfastes.
Vous allez vite sentir ce qui est indispensable pour vous
- Stopper les newsletters, les e-mails de réseaux sociaux, les notifications de réception de vos e-mails et de tous vos autres courriers.
- Limiter votre consultation de boîte à deux ou trois fois par jours (matin et soir),
- Bloquer les distractions publicitaires de vos navigateurs WEB avec des logiciels spéciaux,
- Couper votre téléphone, les réseaux sociaux, les notifications d’application,
- Essayer un casque antibruit,
- Laisser vos ordinateurs et téléphones éteints,
- Programmer uniquement une sonnerie d’urgence pour les appels importants (la crèche, l’école des enfants),
Cette expérience peut aussi vous donner des idées qui vont toucher d’autres domaines de votre vie, d’autres influences : comme de désencombrer votre intérieur, votre bureau, votre chambre,… Faites du tri, jetez, …
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Il ne me reste qu’à vous souhaiter une très belle semaine de désencombrement à vous !!!
Ressources: « L’Intelligence émotionnelle« de Goleman ; « La pensée positive » par Aurore Émilie ; « Stop à l’anxiété« du Docteur Jérôme Palazzolo ; « Les écrans » Hélène Romano in « Dictionnaire de la fatigue« ; « Je dis non à la charge mentale » de Alex Lefief Delcourt ; « Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études« par Olivier Roland ; « Créer son équilibre vie privé vie professionnelle« de Alia Cardin ; « Au cœur des émotions de l’enfant« par Isabelle Filliozat.
Je n’ai pas pu faire cette semaine toutes les propositions mais concernant les ressources lister m’a permis de prendre conscience des choses qui m’apaisent, me font du bien, avec quelques fois des choix peu consensuels ou difficiles à assumer. Oui, je préfère faire telles ou telles choses…
À poursuivre donc!