Burn-outs, les différents épuisements

Pas facile de s’y retrouver entre les appellations multiples de l’épuisement: Burn-out, épuisement professionnel et parental, Brown-out et Bore-out … Voici une synthèse des différents termes au regard de leur histoire.

Nous verrons, dans les articles suivants, les symptômes et les différents moyens de les accompagner. Ce texte est un extrait de la formation « Les syndromes d’épuisement des professionnels qui accompagnent l’humain » que je transmets dans le secteur médico-social.

Clarifions les termes les plus courants

Ci-dessous voici les différents termes que vous pouvez rencontrer en lien avec l’épuisement. Dans la partie suivante j’apporte un éclairage sur chacune de ces notions au travers de leur histoire:

Les Burn-outs

  • Le terme « Burn-out » est une appellation anglophone traduite en français par le terme « épuisement ». Littéralement « Burn-out » signifie « cramé » ou « consumé », comme on le verra plus bas, dans son aspect historique, ce terme était à l’image de l’état dans lequel se trouvaient les personnes atteintes par le syndrome d’épuisement professionnel.
  • Après avoir décrit le syndrome d’épuisement professionnel sous le terme de « burn-out », sont apparues dans la littérature, des descriptions d’épuisement parental en anglais « Parental Burn-out » et d’épuisement spécifique au rôle d’aidant (familial ou de proche) nommé « Burn-out de l’aidant« . Ces deux formes sont encore en 2023 exclues de la classification de l’OMS.

Bore-out et Brown-out

  • Puis les termes de Bore-out et de Brown-out sont apparus, décrivant respectivement un syndrome d’ennui et de perte de sens lié à la sphère professionnelle.

Traumatisme vicariant et fatigue de compassion

  • Moins connus, mais tout aussi dévastateurs, deux syndromes spécifiques au rôle des personnes qui accompagnent l’humain ont été également décrits par les psychologues: le traumatisme vicariant et la fatigue de compassion. Je ne reviendrais pas sur ces deux processus car vous trouverez deux articles, (sur les liens cliquables ci-dessus), décrivant les spécificités de ces deux processus.

Epuisement émotionnel, psychique, cognitif, etc.

  • Lorsque vous trouvez d’autres termes, comme l’épuisement émotionnel ou l’épuisement psychique par exemple, cela correspond à l’un des symptômes du syndrome d’épuisement. C’est une partie du burn-out décrivant la sphère qui a été atteinte par le processus du Burn-out. On observe également la présence d’atteinte physique et cognitive.

L’épuisement émotionnel est présent dans l’ensemble des Burn-outs ainsi que dans le traumatisme vicariant et la fatigue de compassion.

En résumé, parmi les syndromes d’épuisement professionnel on retrouve: le Burn-out, le Bore-out et le Brown-out. Dans la sphère privée on décrit également le Burn-out parental et de l’aidant (familial ou de proche). Chez les professions du soin et de l’accompagnement nous pouvons également ajouter les atteintes psychiques du « traumatisme vicariant » et de la « fatigue (ou usure) de compassion ».

A présent je vais éclaircir l’ensemble de ces syndromes et processus présents dans la littérature scientifique au fil de leur découverte.

Burn-out professionnel

Histoire du Burn-out professionnel

Le « Burn-out » est le processus qui a été décrit le premier.

Fin des années 60, Harold B. Bradley, professeur d’une université du Texas, publie un article « Community-based treatment for young adult offenders » dans lequel il évoque l’existence d’un stress en contexte de travail qu’il appellera « Burn-out ».

Dans les années 70, un psychiatre et psychanalyste américain, Herbert Freudenberger, observe ce qui se passe pour l’équipe de bénévoles auprès de laquelle il travaille. Il constate et écrit dans son ouvrage «Staff burn-out» en 1974 que certains des jeunes membres travaillant auprès de patients toxicomanes semblent victimes d’une sorte d’incendie interne, un épuisement progressif et constant de leurs ressources. Ils se retrouvent alors comme « consumés de l’intérieur ».

C’est le début du concept d’épuisement qui sera complété en 1978 par une psychologue américaine: Christina Maslach étoffera ce concept avec ses propres observations auprès d’infirmières soumises au stress de leur contexte de travail.

Par leurs études respectives sur l’épuisement professionnel, ces deux auteurs permettront de découvrir que le « Burn-out » n’est pas exclusif au domaine du soin et sera repéré dans de nombreux domaines et contextes professionnels.

Grace à ces découvertes, les auteurs et équipes scientifiques ont pu, au fil des années, décrire avec de plus en plus de précision de quelle manière le processus de Burn-out s’effectue. Ils ont pu ainsi mettre au point des méthodes de diagnostic et de prise en charge efficaces et ont mis en avant l’importance de la prévention précoce de l’épuisement.

Pour faire court: à ce jour on a découvert que le Burn-out est issu d’une surcharge de travail par rapport aux moyens disponibles (temps, moyens matériels, moyens humains ou énergie individuelle déployée). C’est un processus long et insidieux. Il touche les personnes soumises à trop de stress, trop longtemps. Et serait dû, non pas à la présence de stresseurs particuliers au contexte de travail, mais à l’absence de ressources qualitativement et quantitativement suffisantes pour faire face aux stresseurs.

Bore-out

L’ennui permanent: description du Bore-out

Philippe Rothlin et Peter R. Werder sont les chercheurs suisses-allemands et conseillers en organisation qui ont conceptualisé le syndrome de Bore-out en 2007. Ce terme provient de l’anglais « to bore » signifiant s’ennuyer. Il est décrit comme présentant trois caractéristiques: le manque de défis, le désintérêt et l’ennui.

Le Bore-out procurerait, selon les auteurs, un stress quasi équivalent au syndrome de Burn-out. Toutefois il serait plus délicat à aborder par les personnes: il passerait davantage inaperçu et serait accompagné d’un sentiment de honte spécifique à ce syndrome.

La honte et le silence augmenteraient alors le risque pour la personne d’aboutir à un état de santé grave puisqu’ils empêchent son repérage précoce.

Même si le processus et les facteurs de déclenchement sont différents, les effets sur la santé physique et psychique sont quasi les mêmes que ceux d’un burn-out professionnel.

En bref: Le Bore-out est un syndrome d’épuisement professionnel par ennui, absence de stimulation ou manque de stimulation par rapport à la compétence de la personne touchée.

Brown-out

L’apparition du Brown out: conflit de valeurs

Ce terme est très récent puisqu’il est concomitant de la théorie d’un anthropologue américain qui a mis en avant l’existence des « bullshit jobs » dans un article de 2013. Il désigne par ce terme, ces emplois « vides de sens », qui découleraient des effets du capitalisme, de la mécanisation et du progrès technique.

David Graebler a publié en 2018 un essai sous le titre « Bullshit Jobs » qui dénonce les ressentis d’inutilité, d’absurdité, de salariés vis-à-vis de leur travail. Il toucherait plusieurs domaines tels que la finance, le marketing, l’information ou plus globalement dans le domaine des services. D. Graebler parlait alors de millions de personnes vivant ces sentiments de perte de sens et d’inutilité au travail.

On retrouve chez les personnes touchées par ce syndrome, des symptômes similaires au Burn-out. Toutefois, à la différence du Burn-out par surcharge, le Brown-out ne mettra pas tout de suite en évidence la perte l’efficacité car les symptômes préalables impacteront davantage la vie psychique et mentale de la personne (culpabilité, colère, résignation, etc.)

Pour faire court: Le Brown-out serait un syndrome d’épuisement professionnel lié à la perte de sens, au sentiment d’inutilité, au manque d’adéquation avec les valeurs profondes du salarié, voire au sentiment d’absurdité par rapport à la tâche demandée.

Et le Burn-in dans tout ça ?

Vous avez peut-être entendu parlé du Burn-in et vous vous demandez sans doute en quoi cela consiste et de quelle manière il s’articule au sein de toutes ces notions d’épuisement ?

En réalité le Burn-in est une phase qui appartient au processus du Burn-out: c’est la phase qui précède l’effondrement. C’est le psychologue Cary L. Cooper, en 1994, qui aurait employé ce terme provenant du domaine de la photographie (un cliché surexposé) et de l’informatique (tester la résistance de composants en les exposant à une tension et à une température supérieures à la normale).

Burn-in

On reconnaît le Burn-in lorsqu’une personne manifeste ce que l’on appelle du « présentéisme« , c’est à dire une présence excessive sur le lieu de travail, sans tenir compte de sa fatigue ou de ses problèmes de santé.

Dans cette phase, il ne s’accorde aucun relâchement, aucune pause, se vit comme « indispensable » et n’entend pas le danger de la situation pour sa santé.

Le problème est alors qu’un cercle vicieux peut se mettre en place: étant déjà fatigué et présentant un stress chronique, sa présence ne lui permet pas d’être efficace (perte de mémoire, difficulté de concentration, perte d’efficacité dans les tâches, somatisation, etc.) ce qui peut l’amener à faire des heures supplémentaires et à négliger les temps de pause réglementaires. Le risque augmente, alors, que le processus évolue vers la phase d’effondrement du Burn-out.

C’est à ce moment de prémices du Burn-out que l’entourage joue un rôle essentiel pour prévenir la chute. Car, bien que la personne ne puisse se rendre compte de son état de santé et des risques de son comportement de sur-adaptation, la famille, les amis, les collègues de travail et surtout les supérieurs hiérarchiques, sont témoins de ces changements. Ils peuvent alerter et soutenir la personne pour éviter l’effondrement.

En bref, le Burn-in est l’étape qui précède le Burn-out. C’est une période de résistance et de sur-adaptation au stress.

Burn-out parental

Un Burn-out dans le rôle de parent

Le concept de Burn-out s’est étendu au domaine de la parentalité plus récemment.

Historiquement on retrouve un premier témoignage de mère en épuisement au début des années 80, alors même que deux chercheurs universitaires américains (Joseph Procaccini et Mark Kiefaber, 1983) proposent une transposition de la notion de Burn-out professionnel au domaine de la parentalité.

Ensuite une étude de Dennis M. Pelsma et al. de 1989 permettra de tester l’hypothèse (le modèle théorique) de ces chercheurs auprès de mères au foyer. Elle aboutira à l’observation de deux symptômes sur trois identiques au Burn-out professionnel.

Le terme apparaîtra davantage dans la littérature scientifique à partir des années 2000. Notamment, l’équipe de chercheurs d’Annika Lindahl Norberg en 2007, ouvre une nouvelle série d’études autour de familles composées de parents ayant des enfants atteints de tumeur cérébrale. Elles vont montrer qu’un stress intense est à l’origine du Burn-out parental.

En 2008, Violaine Gueritault, docteur en psychologie consultante spécialisée dans le stress et la burn-out professionnel, décrira (dans son ouvrage  » La fatigue émotionnelle et physique des mères: le burn-out maternel ») les symptômes du Burn-out dans son propre rôle parental.

A ce jour plusieurs auteur.e.s tel.le.s que Liliane Holstein et les chercheuses comme Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam permettent de mieux appréhender et comprendre ce concept.

Dans le Burn-out parental les scientifiques observent la survenue d’un épuisement (physique, émotionnel et psychique), d’une distanciation émotionnelle, d’une perte de plaisir dans la fonction parentale et d’un contraste marqué entre le parent qu’on été auparavant et celui qu’on est aujourd’hui.

Burn-out de l’aidant

Le processus de Burn-out de l’aidant

Il existe moins de recherches et d’écrits sur le burn-out de l’aidant mais de plus en plus d’études se penchent sur la situation de ceux et celles qui accompagnent un proche.

Seront considérées comme aidantes, « toutes personnes qui fournissent de l’aide de manière informelle à un proche à cause d’un problème de santé, d’un handicap, ou tout simplement d’une perte d’autonomie » (In « Burn-out professionnel, parental et de l’aidant », chap. 6).

Les auteurs, telle qu’Emmanuelle Zech, Professeure de psychologie clinique et psychothérapeute, ont pu souligner l’importance de prendre en compte à la fois les spécificités de l’aidant, du contexte dans lequel il évolue avec la personne accompagnée, et de la relation qui existe entre les deux.

Comme nous l’avions vu dans cet article décrivant l’épuisement de l’aidant, le fait d’accompagner une personne dans sa perte d’autonomie, dans sa maladie ou son parcours de soin, peut être source de joie mais également de grande fatigue et parfois d’épuisement.

Le stress inhérent au rôle d’aidant et l’absence de ressources suffisantes pour y faire face peuvent, plus ou moins rapidement, amener aux mêmes symptômes qu’un burn-out: fatigue physique, émotionnelle et cognitive. On peut alors repérer des réactions de distanciation, des comportements « robotisés », de l’irritabilité, la survenue de maladie, une fatigabilité accrue.

Le Burn-out de l’aidant fragilise l’individu mais également la situation d’aide elle-même. Il augmente l’apparition de difficultés physiques, psychologiques et les comportements non souhaités (violence, addiction, etc.). Il peut créer une réaction en chaîne qui nourrit l’épuisement.

Le sentiment de culpabilité, induit par le processus de Burn-out, ajoute à la détresse de la situation: Lorsque le rôle d’aidant devient à la fois une motivation (satisfaction d’aider autrui) et un facteur de stress (caractère éprouvant de la mission), l’aidant peut alors se trouver démuni par la perte de ses propres capacités en tant que conséquence du Burn-out.

Il est essentiel pour l’aidant de trouver du soutien et d’être accompagné afin de retrouver un équilibre plus juste entre son bien-être et celui de son proche.

En guise de conclusion

Le terme de Burn-out, bien qu’il soit entré dans le vocabulaire courant par sa diffusion dans les médias, est aujourd’hui parfois galvaudé. Malheureusement ce constat alerte sur le fait que la méconnaissance de ces troubles ne permet pas suffisamment de dépistage et d’accompagnement précoce des personnes touchées.

C’est pourquoi il arrive que de nombreuses personnes voient leur état évoluer et s’aggraver par manque de considération et de soin adapté. Ainsi j’espère que cet article vous permettra d’avoir plus de clarté sur les différents syndromes d’épuisement et sur leurs appellations.

N’hésitez pas à interagir en commentaire sous ce texte. Vous pouvez également me retrouver dans les ateliers en ligne pour la prévention de l’épuisement en cliquant sur ce lien.

Au plaisir de vous lire !

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One Reply to “Burn-outs, les différents épuisements”

  1. pierre servoin dit :

    Bonjour Alicia,
    C’est super intéressant, je me suis reconnu dans presque toutes les formes de burn-out.
    C’est bien de le savoir, ça peut aider, mais, quand nous sommes dans l’action, ça va parfois tellement vite que nous pouvons ressentir dans le corps les réactions d’un danger, d’une limite que le corps peut supporter par exemple ?
    C’est bien de le savoir d’avoir ces précieuses informations et apprendre à se connaitre afin aussi par nos expériences passées par exemples pour reconnaitre quand la fatigue risque de provoquer un burn-out ?
    Ce n’est pas facile ni agréable à vivre, mais, nos corps savent nos limites peut-être avant la conscience et mental ?
    Ce qui est important peut-être aussi c’est de ne pas se culpabiliser si ça arrive, de savoir se reposer, récupérer de l’énergie, et la paix,
    Je vous remercie beaucoup Alicia pour cet article sur les burn-out,
    A bientôt,
    Pierre

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