Savoir dire non

Les moments où l’on a besoin de dire non

Dire « Non » à une demande n’est pas toujours évident. Pourtant, en situation de fatigue émotionnelle et/ou physique, cela devient parfois nécessaire. Un nouveau dossier à traiter ? Une invitation à manger ? Un évènement à organiser ? Un service à rendre ? Chaque jour, nous sommes sollicités pour répondre à des propositions et des demandes qui peuvent, avec l’accumulation des charges diverses, ajouter au poids de notre fatigue. Ces situations vous parlent ?

Or, pour écouter nos besoins de repos, de calme, de ressourcement ou pour répondre à ses objectifs et ses priorités il nous faut savoir dire « non ». « Non, je ne peux pas venir garder tes enfants ce week-end »,  » Non je ne peux pas me joindre à vous pour cette réunion tardive », « non je ne peux pas prendre ce dossier en supplément cette semaine », … Dire « non » c’est donc parfois une façon de respecter nos besoins.

Est ce facile pour vous de dire « non » en conscience ?

« Si nous nous coupons de nos besoins, quelqu’un en paiera le prix, nous-même ou l’autre »

Cette citation est issue du livre « Cessez d’être gentil, soyez vrai » par Thomas d’Ansembourg. Comme nous allons le voir, il y a d’abord de multiples raisons pour lesquelles nous n’arrivons pas toujours à dire « non » quand il le faudrait et ensuite il y a les conséquences pour nous-même et pour l’autre lorsque notre « oui » n’est pas connecté à nos besoins. Enfin nous verrons comment apprendre à dire « non » dans le fond et dans la forme pour en recevoir les nombreux bénéfices.

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Des conséquences

La perte de contrôle

Que se passe-t-il lorsque je ne dis pas « non » ? Par exemple, face à un choix où nous hésitons à répondre à une demande, ne pas prendre de décision claire en laissant « trainer » peut pousser l’autre à prendre la décision pour nous. Quelque soit la raison pour laquelle nous hésitions (peur de dire non, contradiction, absence d’intérêt, …) nous perdons alors notre liberté de choix et notre part de contrôle.

L’agressivité

Autre exemple, nous ne disons pas « non » à la demande de Tartempion car nous imaginons qu’il attend quelque chose de nous. Son attente nous paraît peut être plus importante que nos besoins et nous nous plions à ce que nous imaginons qu’il attend. Cette sorte de sur-adaptation à l’autre peut créer une insatisfaction personnelle, une tension grandissante. Et cela d’autant plus lorsque la situation se répète. Ces tensions engendreront de la violence (agressivité à l’encontre de l’autre ou de soi même, projection sur autre chose ou quelqu’un d’autre). Cela se passe comme s’il était nécessaire, inconsciemment, pour nous, de trouver un coupable à nos ressentis désagréables. Vous est-il déjà arrivé de vous en prendre à votre conjoint(e) ou ami sans raison apparente en rentrant du travail ? Posez vous la question, qu’est ce que j’ai accepté sans l’avoir vraiment choisi aujourd’hui ? Contre qui suis-je vraiment en colère ?

L’autoritarisme

Une autre possibilité lorsque nous disons « oui » alors que nous pensons « non »: nous sommes susceptible d’imposer nos besoins de façon autoritaire. Ne pas avoir répondu à nos besoins en évitant le « non », va nous pousser à imposer inconsciemment aux autres nos besoins dans la violence. Voilà parfois d’où proviennent les sentences du type: « Je ne veux plus t’entendre ! tu vas dans ta chambre et tu y restes ! », « Je ne veux pas savoir qui a raison ou qui a tord ! vous êtes tous punis ! »

L’épuisement

Enfin, si la violence des tensions accumulées par notre choix ne s’est pas exprimée comme dans les exemples ci-dessus, il est fort à parier que celui qui en paiera le prix sera nous ! Se faire violence à soi-même, en se soumettant à la fatigue, au silence, à l’isolement, au mutisme, … on peut ainsi facilement laisser place à l’épuisement, ou à la dépression.

Une situation qui majore ces conséquences:

Dans les emplois du « prendre soin », il est souvent nécessaire de faire passer certains de nos besoins après ceux des autres. Différer l’écoute de sa propre fatigue ou de sa tristesse pour être disponible à la détresse de l’autre par exemple. Dans ces emplois de l’aide, que l’on soit aidant professionnel ou aidant naturel d’ailleurs (aidants familiaux) il faut pouvoir trouver du plaisir à aider et pas uniquement « parce qu’il le faut ».

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En effet, si cela devient un pur devoir dans le sens du sacrifice, de l’obligation, de la contrainte ou de la culpabilité, on court à notre perte. Car dans cette situation, comme le dit Thomas d’Ansembourg, la partie de nous asservit va « manger » notre énergie et notre vitalité. Elle finira par nous ronger de l’intérieur et se manifestera par la colère, la révolte ou la dépression.

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Plaisirs de secours.

La solution, vous l’aurez compris, c’est d’écouter nos besoins. C’est un apprentissage, comme nous l’avons vu dans l’article de la semaine 8: apprendre à identifier mes besoins. Pour mieux identifier nos besoins, il est important d’arriver à comprendre ce qui peut nous empêcher de dire « non »

Ce qui nous empêche de dire « non »

« Nous n’avons pas appris à être aimés comme nous sommes, mais à être aimés comme les autres voudraient que nous soyons »

Thomas d’Ansembourg

Je ne dis pas « non » pour être « gentil »

On peut vouloir être « gentil » vis à vis de l’autre, ce qui nous pousse parfois à dissimuler nos vrais sentiments et nos véritables besoins, derrière un faux « oui ». Faux parce qu’il ne vient pas de l‘élan du cœur (différent de la gentillesse désintéressée) mais parfois d’une attitude de complaisance ou d’une peur.  Un « oui » de peur, parce que certaines fois on imagine qu’un « non » risque de nous faire perdre quelque chose.

J’ai tendance à en faire trop

Que cela soit dans la vie personnelle ou dans la vie professionnelle, on peut avoir tendance à en faire toujours trop. Cela provient souvent de nos croyances ou de notre éducation. Derrière cette dynamique du « toujours plus », il y a des besoins: celui d’être aimé, de plaire, de s’assurer d’avoir une place (au travail, dans sa famille, dans le groupe, la société), … ou le besoin de sentir qu’on est à la hauteur, de se rassurer sur ses capacités.

Dans ce cas encore il est important de veiller à respecter ses besoins et de s’offrir à soi-même un amour inconditionnel. Celui que vous offririez à votre meilleur ami(e). S’offrir de l’amour, c’est à dire, apprendre à s’aimer pour ne plus attendre que l’amour vienne des autres.

Il n’est pas possible de tout faire. Il est donc important d’apprendre à dire « non » et de considérer que notre temps est précieux. Limiter les « oui » à ce qui vous apporte de la joie ou de l’estime pour vous même.

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Je manque de courage

Je manque de courage car j’ai une mauvaise estime de moi ou un manque de confiance en moi ? Ou encore, en disant « non », j’ai peur de souffrir (de manquer ou de perdre l’amour, de perdre l’estime, l’approbation, l’acceptation, l’intégration à un groupe). J’ai peur d’entrer en conflit, peur d’être jugé ou rejeté, peur de décevoir l’autre ou de le blesser, je crains de le froisser, de gêner l’autre … alors je ne dit pas « non ».

Par manque de courage, on peut accepter des choses qui peuvent aller à l’encontre de nos valeurs ou de nos principes. Ce faisant on peut se trouver en contradiction avec les valeurs des autres ou devenir corruptible. La peur d’affronter les répercussions de notre « non » peut alors nous donner une image bien pire que celle que l’on craignait. En effet, l’absence d’intégrité par exemple, risque de nous donner la réputation de quelqu’un de « peu fiable », sur qui on ne peut pas compter ou de quelqu’un qu’on ne peut pas prendre au sérieux.

Il est donc important d’identifier ses besoins et de les clarifier !

Les techniques d’influence et de manipulation

Il existe aussi des situations dans lesquelles nous ne sommes pas toujours conscients d’être manipulés et qui nous amènent à accepter des choses que l’on ne veut pas. Malheureusement, selon le talent du manipulateur, nous ne parvenons pas toujours à dire « non ». Toutefois, connaître ces techniques permet souvent de les déjouer. En voici quelques-unes issues de l’ouvrage « influences et manipulations » les six principes classique de l’influence par Robert Cialdini.

En voici quelques exemples que je détaillerai dans la vidéo de cette semaine. Cliquez ici pour voir la vidéo.

  • La règle de réciprocité. Elle incite les personnes à agir dans le sens où un service doit en amener un autre. Nous sommes souvent conditionnés par les principes d’équité et d’obligation qui existent dans cette règle sociale.

 

  • Les principes d’engagement et de cohérence. Une fois que nous sommes engagés vis à vis de quelqu’un ou que nous avons fait une promesse nous avons tendance à la tenir même si elle peut devenir contraire à nos valeurs. Cela permet à l’autre de nous faire accepter d’autre chose.

 

  • La preuve sociale. Si les autres font quelque chose alors c’est que cela doit être la conduite à tenir. En d’autre terme la vérité c’est les autres. Principe facile à manipuler par falsification.

 

  • La sympathie. Utilisé à mauvais escient, le principe de sympathie peut être facilement détourné pour nous soudoyer une faveur. Je dis plus facilement « oui » à quelqu’un qui m’est sympathique.

 

  • L’autorité. Le statut d’autorité qu’il soit légitime ou non influence mon choix et à le pouvoir de me faire accepter ce que je ne veux pas.

 

  • La rareté. Un offre rare influence notre capacité de réflexion et de jugement.
Les lecteurs de cet article ont également lu :  Un projet sans peine

Il en existe d’autres dont je vous ferai part si cela vous intéresse. N’hésitez pas à me le dire en commentaire.

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Les bénéfices secondaires de ne pas dire « non »

On apprend dans l’approche systémique qu’il existe des bénéfices secondaires (c’est à dire des bénéfices cachés sous une situation à priori défavorable). Ces bénéfices peuvent être conscients ou inconscients. Dans les situations où l’on de dit pas non alors que cela nous met en difficulté, l’existance de ces bénéfices peut expliquer que nous laissons durer une situation malgré la souffrance qu’elle engendre.

Posez vous les bonnes questions:

  • qu’est ce que je gagne à être dans cette situation ?
  • et qu’est ce qui m’empêche de dire « non » ?
  • qu’est ce que je risque de perdre si je dis « non » ?
  • est ce que cela vaut le coup ? (balance entre les avantages et les inconvénients)

Il vous sera plus facile ensuite d’agir en conséquence.

Parfois d’ailleurs, comme on l’a vu un peu plus haut, on peut ne pas dire « non » pour que ce soit l’autre qui prenne la décision pour nous. Ainsi croyons nous nous échapper de la responsabilité du choix. Et cela pourrait être un bénéfice secondaire à ne pas dire « non ».

 

Les bienfaits lorsqu’on dit « non »

Dire non pour être en connexion avec ses besoins cela permet de :

  • Respecter les besoins et les sentiments des autres et des miens par l’alignement entre mes ressentis et mes décisions. J’aide chacun à trouver sa place et ses responsabilités.
  • De ressentir pleinement mon autonomie me valorise, nourrit mon estime de soi.
  • Prendre soin de moi et de gagner en énergie.
  • De m’affirmer.
  • Dire « oui » à plusieurs de mes besoins (repos, calme, soutien, …)

Savoir dire « non » permet aussi, et ce n’est pas négligeable dans les situations de fatigue émotionnelle, d’apprendre à mieux entendre les « non » des autres. Vous arrive-t-il de prendre pour vous (contre vous) les refus des autres ?

Savoir dire « non » vous aide à mieux comprendre les besoins cachés derrières le « non » des autres et donc vous permet de mieux l’accepter.

Cela étant dit, il reste une étape que l’on a pas abordée et dont vous allez avoir besoin cette semaine pour savoir dire « non »…

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Comment « bien » dire « non »

  • Choisissez le moment propice: il est des moments où l’on a besoin de réfléchir et d’analyser la situation pour pouvoir formuler une réponse ferme. Il est tout à fait possible de différer sa réponse et de choisir le bon moment pour dire non.

 

  • Parlez calmement et dite ce que vous ressentez: il vaut mieux parler en étant calme ou détendu pour que l’autre entende notre refus car cela nous permet de parler de ce que l’on ressent plutôt que le montrer (colère, déception, inquiétude, …).

 

  • S’exprimer à propos de soi, utilisez le pronom « je »: parler en son nom propre (par exemple, »je » suis trop inquiète pour faire ceci) favorise le dialogue. A l’inverse parler en désignant l’autre (par exemple quand « tu » me pousses à faire cela c’est angoissant) peut créer du conflit car l’autre se sent accusé.

 

  • Évitez de généraliser: bannissez les « toujours » et les « jamais » de votre vocabulaire. Ils ont tendance à créer l’escalade dans le dialogue (« tu ne fais jamais ce que je te demande », « tu es toujours derrière mon dos », « tu n’es jamais satisfaite », « il est impossible de discuter avec toi ! », …).

 

  • S’en tenir aux faits: décrivez la situation telle qu’elle est pour éviter de voir surgir les jugements et les à priori qui engendrent souvent le conflit.

 

  • Expliquez en quoi la situation est problématique pour vous: partant des faits vous pouvez dérouler les ressentis qui sont en lien avec la situation et ainsi exprimer ce qui vous amène à refuser.

 

  • Proposez des solutions, demander à l’autre ce qu’il propose: Vous pouvez ouvrir le dialogue à d’autre forme de résolution possible qui puisse vous contentez l’un comme l’autre.

 

  • Laissez à l’autre le temps de s’exprimer.

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C’est parti !

Vous voilà maintenant paré pour expérimenter la proposition de cette semaine. Ainsi restez attentif à vos besoins lorsqu’on vous fera une demande et demandez-vous: qu’ai-je à gagner ou à perdre dans cette situation ? Utiliser la question des québecois pour écouter votre cœur: Cette demande me fait elle « oui » au fond de moi ou bien me fait-elle « non » ? Puis formuler votre réponse en fonction.

Et n’oubliez pas: Si vous avez déjà dit « oui » il est souvent encore possible de dire « non » en l’expliquant avec honnêteté et respect la raison de votre refus.

N’hésitez pas à partager à vos proches 😉

Belle semaine à vous !

Bibliographie: « Vivre mieux avec ses émotions » par Martin Desseilles et Moïra Mikolajczak; « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » de Thomas d’Ansembourg, « Influences et manipulations » de Robert Cialdini; « Zen to done » de Leo Balbauta; « aujourd’hui j’arrête de tout remettre à demain » de Patrice Ras; « Nous arriverons à nous entendre » de Marshall B. Rosenberg;

 

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4 Replies to “Savoir dire non”

  1. Savoir dire  »non » nécessite semble t- Il une meilleure connaissance de nos besoins. Dire  »non » en toute conscience relève d’une sacrée gymnastique, ça me paraît être une montagne géante à gravir!! Une montagne bien effrayante. J’espère avoir gravi une partie du chemin en fin de semaine!

    1. Alicia M dit :

      Merci pour ce commentaire GM. Est ce que les éléments partagés dans l’article concernant les besoins t’ont aidé à rendre la montagne moins effrayante ? Sinon je te propose de lire le bilan lundi matin dans lequel j’essaye de répondre à certaines nouvelles questions 😉

  2. Je me rend compte que dire  »non » peut avoir des conséquences importantes, que cela soit au niveau professionnel ou personnel. Cela me permettrait d’être plus en phase avec moi même, mes valeurs, mon éthique professionnelle, correspondre à mes besoins… mais pour éviter des conséquences trop négatives est il possible de faire des concessions ? Cela tiendra t- il sur le long terme ?

  3. Marie-Véronique dit :

    C’est vrai qu’il faut prendre le temps de réfléchir au vocabulaire que l’on emploie, dire plutôt « je » que « tu », bannir les « toujours  » et « jamais », prendre le temps de s’interroger, vais-je être capable de faire ce pourquoi je m’engage, etc. Après tout, si on s’en met trop « sur le dos », on va finir par ne plus rien pouvoir faire.. merci pour cet article!!

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