Les pouvoirs ressourçant de l’altruisme
A première vue, l’idée de parler d’altruisme peut vous paraître saugrenue, voir paradoxale ? Vous pourriez penser:
« Mais que vient faire un article sur l’altruisme dans un blog sur la lutte contre l’épuisement émotionnel ? Comment l’altruisme pourrait me donner de l’énergie ou m’éviter d’en perdre ? L’altruisme est une action tournée vers l’autre ? Une action qui coûte de l’énergie, non ? Et puis, c’est moi qui ai besoin d’aide ! Pourquoi je devrais me soucier des autres alors que c’est moi qui suis au bout du rouleau ? »
Ok, ok, pas de panique ! C’est moins bizarre que ça en à l’air. On explore volontairement cette semaine une approche des relations sociales approuvée scientifiquement dans le domaine du bien-être émotionnel.
D’ailleurs, pour commencer, nous verrons en quoi consiste l’altruisme et de quelle manière il se manifeste dans nos relations. Ensuite je vous propose des exemples d’études scientifiques qui ont mis en avant les effets de l’altruisme sur notre état émotionnel. Nous verrons quel impact cela peut avoir pour nous et pour nos proches. Puis, sur ces bonnes bases, je vous proposerai un exercice efficace pour stimuler l’altruisme en chacun de nous et ainsi lutter contre la fatigue.
Qu’est-ce que l’altruisme ?
Définition de l’altruisme
L’altruisme se définit comme un état par lequel on se montre empathique et généreux vis à vis de quelqu’un d’autre. Une manière (à priori) désintéressée d’aider un autre que soi. C’est en quelque sorte la capacité à se soucier de l’autre, de son bien-être, et d’agir en conséquence.
La question a été longuement étudiée notamment par les philosophes qui échangent encore aujourd’hui sur l’aspect désintéressé ou non de l’acte altruiste et sur sa définition même. Par ailleurs les religions ont une lecture toute personnelle de ce concept.
N’étant ni philosophe, ni théologienne, je vais me concentrer sur l’aspect psychologique du terme afin d’en extraire ce qui peut nous servir dans la lutte contre la fatigue et l’épuisement émotionnels.
Des termes qui se rapprochent de l’altruisme
Lorsque l’on s’intéresse à l’altruisme on croise la route de nombreux autres termes se rapprochant de lui, telles que la générosité, la gentillesse ou la bienveillance.
- l’altruisme est un état (un état motivationnel)
- la générosité et la gentillesse sont des comportements
- la bienveillance est une valeur
Il existe une théorie qui tente d’expliquer les raisons pour lesquelles une personne va être motivée à effectuer une action particulière (étude de la motivation et de la personnalité que l’on appelle théorie de l’auto-détermination).
Selon cette théorie, la satisfaction de nos besoins psychologiques fondamentaux (autonomie, compétence, affiliation avec l’autre) « faciliterait notre croissance, notre intégrité et notre bien-être« .
Au sujet de l’altruisme cette théorie propose ceci:
- Les comportements de gentillesse ou de générosité, seraient motivés par un état motivationnel que l’on nomme « altruisme ».
- L’altruisme serait induit par nos valeurs (telle que la bienveillance).
- La conséquence de l’altruisme serait alors potentiellement le bien-être de l’autre ET (nous allons le découvrir) notre propre bien-être.
Voici un schéma qui simplifie cette proposition de conception.
Par contre, la bienveillance ne serait pas la seule à pouvoir motiver notre altruisme: les chercheurs ont découvert que l’altruisme pouvait être induit par la satisfaction issu du comportement lui-même. En d’autre termes la motivation peut être notre bénéfice personnel (le plaisir que l’on ressent en donnant par exemple).
Les cinq raisons de produire un acte altruiste
Selon le chercheurs Midlarsky (1991), on pourrait décrire cinq sources de motivation différentes de l’altruisme:
- Pouvoir augmenter son intégration sociale,
- Se distraire de ses propres problèmes,
- Avoir plus de sens (comprendre le sens de la vie « meaningfulness »),
- Percevoir davantage notre auto-efficacité et notre compétence,
- Augmenter son humeur et avoir un style de vie plus actif.
A savoir, comme toute théorie, la théorie de l’auto-détermination est amenée à être réétudiée et peut être qu’un jour on pensera les choses différemment.
Pour ceux que cela intéresse, les lectures sur l’hédonisme et l’eudémonisme approfondissent ce propos sur le plan psychologique et philosophique. Ici découvrez un article intéressant.
Ce que démontre les recherches sur l’altruisme
Il existe peu de travaux scientifique sur le sujet toutefois grâce au développement de la psychologie positive (voir cet article pour une définition de la psychologie positive) certains auteurs ont pu explorer ce domaine ces 30 dernières années.
Donner procure du plaisir
Des équipes de chercheurs en neuroscience comme Harbaugh, Mayr et Bughart ont publié en 2007 une étude sur l’effet d’un comportement altruiste sur le cerveau. Ils ont trouvé que lorsque qu’une personne donne de l’argent pour une banque alimentaire, des zones cérébrales telles que le striatum ventral s’activent.
Le striatum ventral est une zone du cerveau qui est associé à la régulation de nos comportements motivés. Ces zones sont sensibles aux signaux « gratifiants » provenant de notre environnement (tel que l’obtention d’une récompense). En d’autre termes notre cerveau indique que nous pourrions donner par plaisir.
Ainsi lorsque, dans l’expérience, la personne utilise l’argent pour elle même, le striatum ventral ne s’active pas.
L’altruisme provoque plusieurs bienfaits
Il n’est pas nécessaire de préciser les bénéfices que nous ressentons lorsque nous sommes les récepteurs d’une action altruiste. Il suffit de vous représenter la dernière occasion où vous avez reçu une preuve d’amour, d’affection, un don gratuit, un service, … Si vous savez l’accepter, cette action est très agréable à recevoir et nourrit notre besoin de lien à l’autre, notre confort, notre besoin d’affection, etc…
Je vais donc vous partager les effets que l’on ressent en étant soi-même acteur de l’altruisme:
- Donner rendrait plus heureux (Anik et al. 2009);
- Les actes altruistes augmenteraient notre bien-être (Post, 2005);
- Ils amélioreraient notre santé physique et mentale ainsi que notre longévité (Post, 2005);
- La gentillesse augmenterait nos émotions positives et notre bien-être (Layous et Lyubomirsky, 2014);
- Elle aurait des effets sur notre satisfaction de vie (Pressman, Kraft et Cross, 2015);
- La gentillesse aurait des effets bénéfiques sur nos relations sociales (Boehm et Lyubomirsky, 2012);
- Ainsi que sur la maladie (Friis, Johnson, Cutfield et Consedine, 2016).
Il n’y a pas de doute, l’altruisme et ses actions sont une mine d’or pour notre état émotionnel et physique. C’est un formidable outils pour se ressourcer en émotions agréables et ses effets sont profonds, authentiques et durables.
L’altruisme et la fatigue émotionnelle
Compte tenu de ces études sur l’altruisme et les actes, telle que la générosité, les effets sont bénéfiques pour celui qui agit de manière altruiste aussi bien (voir plus) que pour celui qui reçoit.
Des effets pour moi et pour les autres
En effet, les actes altruistes procurent des sentiments agréables à celui qui les produit. Ils lui permettent d’avoir une image positive de lui même. Pour Yves-Alexandre Thalmann, Docteur en physique et formateur en intelligence émotionnelle, la générosité et le don gratuit sont des dynamiseurs du bonheur. Pour lui la générosité est une manière de réunir l’altruisme (plaisir des autres) et l’égoïsme (plaisir pour soi) en ne laissant subsister que le bonheur.
En situation de fatigue émotionnelle ont peut ressentir de l’ennui, un sentiment d’inutilité ou d’inefficacité. On peut également traverser des périodes ou l’on se sent comme « détacher » de ce qui se passe autour de nous.
L’altruisme vient justement intervenir sur ces ressentis. Il apporte de l’énergie dans ces domaines:
- Il nous permet de nous aider à aimer qui nous sommes (image valorisante de l’acte altruiste),
- Permet de ressentir des émotions agréables et donc favorise notre capacité à pouvoir en prendre conscience (lutte contre le détachement émotionnel),
- Aide à se reconnecter avec soi-même et avec les autres (relations aux autres positives),
- etc …
Comment ne pas me rajouter de fatigue en étant altruiste ?
Le lâcher prise est fondamental pour pouvoir bénéficier d’émotions agréables dans les actes altruistes. En effet plus vous allez vous détacher de ce que l’autre « fera » de votre acte de bonté et plus il y a de chance que vous ne soyez déçu par sa réaction. Ainsi pour que l’exercice fonctionne correctement il est important de comprendre que l’action altruiste doit s’effectuer dans le renoncement de ce qu’elle va provoquer.
En effet bien souvent nombre d’entre nous, anciens Êtres généreux, ont pu être blessés par la manière dont nos actions et nos dons ont pu être reçus et la manière dont les personnes à qui ils s’adressaient ont pu réagir.
L’action désintéressée, c’est-à-dire sans attendre aucune réaction particulière de la part de l’autre, vous assure de profiter pleinement de votre activité altruiste.
Faites également une correcte distinction entre quelqu’un d’altruiste et quelqu’un qui se sacrifie ou agit passivement en fonction des desideratas d’autrui. Afin de trouver un juste état motivationnel altruiste, il est peut-être nécessaire de travailler votre affirmation de vous-même. Car l’affirmation de soi est le bon équilibre entre passivité et agressivité : c’est un état dans lequel nous respectons l’autre mais autant que nous-mêmes.
Les émotions positives ou agréables
Pour terminer je préciserai que les études de Barbara Fredrickson, docteur et professeur en psychologie à l’Université de Caroline du Nord et présidente de l’Association Internationale de Psychologie Positive, ont démontré que les émotions positives (entendez « émotions agréables ») permettent aux individus de redéfinir leur rapport avec leur environnement. Elles donnent un regard nouveau sur ce qui nous entoure.
Les émotions agréables suscitent l’émergence des comportements favorables et le bien-être. Elles engendre le développement de nouveaux comportements produisant de nouvelles émotions agréables et créer ainsi des « spirales positives » favorables pour la santé physique et morale (sorte de cercle vertueux qui se développe et s’amplifie).
C’est pour cet ensemble de raisons, et bien d’autres (que je n’ai pas pu écrire ici sous peine de rédiger un véritable roman), que je vais vous proposer un exercice basé sur l’altruisme.
A vous de jouer !
Cette semaine je vous propose de choisir parmi plusieurs propositions d’actions altruistes, le nombre et l’exemple qui vous convient le mieux. C’est à dire celui ou ceux qui vous inspirent et vous ressemblent le plus mais surtout celui ou ceux qui vous coûteront à priori le moins de fatigue.
Vous verrez, après coup, que bien souvent l’énergie mis à profit dans l’action vous reviendra au centuple en émotions agréables et en ressourcement. Mais pour cela il serait bon d’essayer 😉
Combien d’actions altruistes ?
Chacun son rythme et son envie. Certains auteurs propose de choisir 3, 5, ou 10 actions altruistes à effectuer en une semaine, un mois ou un jour … mais comme nous sommes tous un peu fatigué je vous propose de commencer par essayer d’en effectuer une seule par jour. Vous verrez bien par la suite ce qui est le mieux pour vous !
Si malgré tout vous doutez d’être en capacité de savoir ce qui est bon pour vous ou même si vous êtes suffisamment en forme pour le faire, n’hésitez pas à demander l’avis d’un professionnel de la santé.
Propositions altruistes
Choisissez parmi les possibilités suivantes. N’hésitez pas à créer les vôtres, trouvez-en de nouvelles qui vous ressemblent d’avantage !
- Communication: Je ne formule pas de reproche, de remontrance ou de critique aujourd’hui;
- Courtoisie au volant: je laisse la priorité, ou je respecte la vitesse des autres automobilistes, les distances de sécurité, ou je laisse traverser les piétons, …
- Dans le travail: je souris davantage, j’offre des services supplémentaires, je complimente un collègue, j’offre mon aide, …
- Socialement et écologiquement : je réfléchit à l’impact de mes choix et j’achète local, j’achète commerce équitable, j’achète des produits respectueux de l’environnement, …
- Relationnel: j’offre ma présence sur un temps, je propose de partager un moment avec quelqu’un, je partage un savoir, mes connaissances, mes contacts, …
- Financier: Donnez une somme d’argent à une cause, à une personne proche ou inconnue;
- Autres dons: J’offre une fleur à quelqu’un de connu ou d’inconnu, …
- Renoncement: j’efface une dette, je pardonne à quelqu’un, …
Profitez des effets que vous procure ces actes de bonté. Utilisez ces moments pour alimenter votre journal de gratitude. Apprenez petit à petit à accepter vous aussi les actes généreux pour en apprécier toute l’énergie des émotions agréables ainsi induites.
Je vous souhaite une très belle semaine pleine d’altruisme et d’expériences agréables.
N’hésitez pas à noter en commentaire vos ressentis, questionnements et autres réflexions qui nous permettrons de partager davantage.
Songez à vous abonner 😉
Sources pour cet article et Proposition de lecture sur l’altruisme:
- Petit Cahier d’Exercices des Fabuleux Pouvoirs de la Générosité, par Yves Alexandre Thalmann;
- L’intelligence Emotionnelle, par Daniel Goleman;
- 50 Exercices d’Altruisme, par Gilles Diederichs; L’apprentissage de l’imperfection, par Tal Ben-Shahar;
- Psychologie Positive – état des savoirs, champs d’application et perspective, sous la direction de Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio;
- http://selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_LaGuardiaandRyan_Personalgoals-French.pdf
- « Favoriser la motivation optimale et la santé mentale dans les divers milieux de vie », dans Canadian Psychology – 2008, Vol. 49, No. 1, 24 –34.
One Reply to “Les pouvoirs ressourçant de l’altruisme”