Chacun son CINÉ
Sur les forums de discussion je lis souvent les plaintes des internautes concernant la fatigue émotionnelle et je suis toujours étonnée du nombre de plaintes et de témoignages qui relatent des conflits relationnels dit « stressants ». Que cela soit à la maison ou sur le lieu du travail, un grand nombre de souffrances et de vécus de stress sont attribués aux relations sociales.
Je me rappelle que lorsque j’ai commencé le blog, j’avais posé la question suivante à plusieurs centaines de personnes (amis, familles, internautes, membres de forum, …):
« Qu’est ce qui est le plus difficile pour vous dans l’épuisement émotionnel ? «
Dans plus de 70 % des cas les personnes témoignaient de souffrances liées aux relations avec des collègues, des membres de leur direction, ou de situations d’interactions conflictuelles dans leur environnement familial.
C’est pourquoi il me paraît évident de régulièrement vous offrir du contenu, des sources d’informations et des techniques au sujet de « la relation à l’autre« .
Aujourd’hui c’est à nouveau le cas. Nous allons parler de relations, de conflits et de stress. Nous verrons une technique permettant d’apaiser le stress causé par une situation relationnelle.
Ce qu’en dit la science
Les études scientifiques récentes, dans le milieu professionnel, montrent que le soutien social permet à l’individu de se sentir reconnu et appuyé dans son travail et qu’il lui permet de ressentir du plaisir dans son exercice. Ce soutien est capable de contrebalancer les nombreux efforts qu’il fournit dans son travail.
A l’inverse, d’après le Centre d’Études sur le Stress Humain, le fait d’être soumis à des insultes ou à des agressions provenant de collègues ou de supérieurs provoque chez la personne un sentiment de menace pour son ego (quand on met en doute vos capacités cela impacte votre confiance en vous et l’estime de soi).
Un égo menacé représente l’un des quatre facteurs qui augmentent la détresse psychologique au travail (nous verrons plus bas quels sont les trois autres). Pour les scientifiques du centre, un bon réseau social est donc nécessaire pour combattre le stress au travail.
On peut également lire dans les études qu’une bonne gratification dans le travail est une source importante à la fois de reconnaissance, de valorisation, de motivation et permet au travailleur de mieux s’identifier à son travail.
Entendez par gratification: sa rémunération, les perspectives d’évolution de carrière, la sécurité de l’emploi, …
Ainsi, la gratification et le soutien social sont de bons éléments sur lesquels s’appuyer pour faire diminuer le stress au travail et donc la détresse psychologique.
Comme nous l’avons vu, le stress est vécu différemment en fonction de qui nous sommes. Et ainsi il n’y a pas de règle générale concernant la manière de gérer notre stress. Il nous est nécessaire d’apprendre à reconnaître les effets qu’il a sur nous et également à observer les situations qui nous provoquent plus ou moins de stress. Pouvoir découvrir celles qui nous permettent de retrouver de l’énergie et de la ressource est tout aussi cruciale.
Comment vivre le stress dans les relations ?
Le stress est naturel et nécessaire à notre survie. Toutefois l’abus de stress est néfaste pour nous. C’est pourquoi il est important pour nous de comprendre comment il fonctionne en nous et de découvrir des techniques nous permettant de mieux le réguler.
Ce qui m’interpelle souvent lorsque je lis les forums de discussions sur l’épuisement, c’est la majorité des réponses postées suite au témoignage d’une personne en souffrance devant une relation difficile au travail ou dans sa famille.
En effet, bien souvent, on découvre des réponses emplies de la colère liée à la compassion des lecteurs. Cette colère encourage à n’observer la situation que sous un seul angle. Malheureusement, bien souvent, cet angle n’est pas celui qui ouvre vers d’autres possibles. Souvent ces réactions encouragent à jeter la pierre sur une des personnes intervenant dans le conflit et qui cause la souffrance chez la personne stressée.
Or notre focalisation sur cette vision de la relation conflictuelle ne nous aide pas à traverser la situation. Elle aide surtout à tourner en boucle et à créer des ruminations.
D’un point de vue psychologique, il semble important – pour la personne qui souffre dans une relation – de pouvoir passer de la reconnaissance de ses souffrances à une étape suivante.
En effet l’expression de la colère et de toutes les émotions qu’a suscité la relation conflictuelle est une première étape (importante); toutefois le passage à la seconde étape, celle de comprendre de quelle manière la situation fait souffrance à cette personne, est nécessaire.
C’est cette compréhension qui permettra de cheminer vers les stratégies qui lui permettront de dépasser la situation de stress.
Principe de la gestion du stress
Le stress résulte de l’interaction entre notre environnement et nous. Il dépend de notre façon de percevoir ce que l’on vit (en dehors des situations de stress objectifs comme un attentat, une agression, …), c’est pourquoi il nous est possible d’agir activement, cognitivement ou émotionnellement sur notre vécu de la situation, sur l’impact du facteur de stress.
De manière synthétique on trouve deux axes possibles pour résoudre un phénomène de « mauvais stress » et éviter qu’il ne devienne chronique:
- Agir sur les émotions que cela nous provoque (on le verra dans un autre article)
- Agir sur la situation elle-même.
Pour pouvoir cibler à quel niveau nous pouvons agir en fonction de qui nous sommes et de la situation elle-même, nous allons devoir analyser cette situation qui nous pose soucis ainsi que nos ressentis afin d’en comprendre mieux le mécanisme.
Selon les dernières études la « recette du stress » serait:
- vous perdez totalement ou partiellement le contrôle de la situation
- la situation est imprévisible ?
- la situation est nouvelle pour vous (une situation à laquelle vous n’avez jamais été confronté)
- la situation menace votre égo (dans ce cas le terme « égo » est ce qui différencie et définit votre personnalité par rapport à celle des autres)
Une technique à s’approprier
Durant ma formation sur le Burn-out et sur les effets du stress chez l’être humain, j’ai découvert l’existence du Centre d’études sur le Stress Humain et de ses publications scientifiques.
Au fil des lectures de leurs études, j’ai découvert les travaux de Sonia Lupien, directrice du centre et professeur au département de psychiatrie de l’université de Montréal. Sonia Lupien explique le concept de CINÉ pour nous aider à mieux comprendre les situations stressantes. C’est une approche et une conception du stress ayant pour but de comprendre et d’agir individuellement sur notre stress.
J’ai tout de suite été sensible à sa conception qui tient compte de la singularité de chaque personne. Elle explique que les effets du stress seront différents en fonction de chacun (son fonctionnement physique, biologique, de ses ressources génétiques et des capacités qu’elle a développées depuis l’enfance pour y faire face).
Ainsi par le concept de CINÉ, elle propose une manière de faire le point sur notre niveau de stress, de nous réconcilier avec notre « bon stress » nécessaire à notre bon fonctionnement et à notre bonne santé. Elle propose des stratégies visant à nous rendre acteur et à nous donner les capacités de développer nos propres stratégies face au « mauvais stress ».
C’est quoi le CINÉ ?
Désolée pour les amateurs je ne vais pas parler du dernier James Bond 😀
Par contre vous pouvez endosser votre costume d’agent secret si ça vous facilite la tâche, car on va jouer les espions en quelque sorte.
L’approche CINÉ reprend les 4 facteurs de la « recette du stress » vue plus haut, c’est:
- Contrôle: Vous avez l’impression de ne pas avoir le contrôle de la situation
- Imprévisibilité: la situation est imprévue pour vous
- Nouveauté: la situation est nouvelle pour vous
- Ego menacé: la situation menace votre égo.
Sonia Lupien dit que toute situation stressante peut être analysée et qu’elle aboutira forcément à tout ou partie de ces quatre caractéristiques. Faite le test: prenez une situation que vous avez trouvé stressante pour vous et questionnez vous:
- Est ce que j’ai eu l’impression de ne pas suffisamment avoir de contrôle ?
- Est ce que la situation était imprévisible pour moi ?
- Est ce que la situation était nouvelle pour moi ?
- Me suis-je senti menacé (sentiment d’être jugé, dévalorisé, …)
Ces quatre éléments font en sorte que notre cerveau réagisse comme il le ferait devant une menace (l’attaque d’un poulpe géant ou d’un Mammouth). C’est de cette manière qu’il commande la sécrétion des hormones de stress (adrénaline et cortisol).
Spontanément votre cerveau réagit de la même manière face à Josiane, votre boss sanguinaire, ou face au Mammouth … 😉
À court terme c’est un fabuleux « turbo » qui nous aide à nous adapter et à l’inverse, sur le long terme, cela peut devenir un poison pour notre santé physique et mentale.
Trouvez votre stresseur
Choisissez la situation qui vous stresse. Assez facile, c’est celle qui vous provoque cette augmentation du rythme cardiaque, vos sueurs, votre crispation ou encore ces maux de ventre. On identifie facilement ces signes la première fois qu’on est confronté à la situation. Faites-vous confiance à ce niveau-là pour reconnaître vos propres signes de stress.
Vous pouvez aussi retrouver ce qui vous stresse en faisant confiance à ce qui vous revient sous forme de ruminations. N’attendez pas trop pour vous attaquer à ce qui vous stresse car chez certain il ne faut beaucoup de temps avant que le stress adaptatif ne soit ignoré et qu’il se transforme au risque de devenir chronique.
Une fois que vous avez trouvé ce qui vous stresse vous allez déconstruire ce stresseur en cherchant la ou les caractéristiques du CINÉ qui cause vos signaux de stress pour votre cerveau.
J’adore l’exemple de Sonia Lupien donc je vous la partage (lisez son livre ! voir biblio sous l’article):
« Ginette vous stresse au travail et vous ne cessez d’en parler à votre conjoint chaque jour de la semaine. Le soir venu, la seule pensée de Ginette vous empêche de trouver le sommeil. »
Lupien, Sonia. Par amour du stress (French Edition).
Vous aussi vous avez une Ginette !?! 😉
Décortiquez pour en trouver l’origine
Cherchez pourquoi votre Ginette à vous vous stresse. Voyez si ce sont la nouveauté, le manque de contrôle, votre égo ou l’imprévisibilité de ces attaques qui vous causent vos maux.
Une fois que vous avez trouvé la ou les caractéristiques en cause, vous allez pouvoir comme le dit l’auteure, trouver différentes alternatives pouvant changer la situation stressante en une situation moins stressante.
Faites appel à votre imagination et à celle de vos proches pour dérouler et concevoir d’autres scénarios capables de rendre votre vécu plus agréable.
Par exemple, si vous rencontrez votre Josiane ou votre Ginette, à la cafétéria du boulot, vous pourriez, selon vos différents scenarios:
- changer de cafétéria.
- changer d’heure de pause
- éviter de manger en face d’elle
- proposer une discussion pour que son comportement se modifie (pas toujours adéquate selon la situation)
- apprendre à faire la sourde oreille une heure de temps
- travailler vos émotions (scénario à développer dans un autre article)
- demander à Josiane-Ginette de vous éviter
- créer des liens avec des personnes qui vous aideront à ne plus faire attention à elle pendant votre pause
- etc…
Notez que j’ai exclu volontairement les versions violentes que vous aviez imaginées durant vos insomnie 😀
Élaborez vos alternatives
C’est scientifiquement prouvé ! le seul fait de s’imaginer et d’avoir en tête une infinité de scénarios différents vous permet d’avoir le sentiment de contrôler une partie de la situation et donc de faire concrètement baisser votre niveau de stress. (Cf. l’étude du Dr James Abelson de l’université du Michigan aux états Unis dans laquelle il a prouvé que l’être humain peut faire baisser le taux d’hormone de stress, induite par la prise d’une drogue, en agissant uniquement sur l’une des caractéristique du CINÉ).
Jouez à l’espion qui décortique la situation qui vous stresse pour en comprendre les caractéristiques puis déroulez autant de scénarios ou de plans B, C, D, E … comme le préconise Sonia Lupien. Prenez ce temps de ressentir, comprendre et envisager le changement.
Aidez-vous d’un proche pour imaginer d’autres alternatives, utilisez votre humour également pour rendre les agissements de Josiane et Ginette absurdes en pensée.
Il n’y a pas de baguette magique pour le mauvais stress, par contre ne pas faire la sourde oreille aux manifestations de votre corps, partagez ce que vous vivez avec d’autres et trouvez vos propres alternatives car elles sont des pistes qui ouvrent à tout un champs de possibles et qui vous éloignent d’avantage du stress chronique et donc de la maladie.
A vous de jouer !
Partagez avec nous vos Ginettes et vos Josianes ainsi que les nombreux plans B que vous aurez élaborés, les réactions de l’utilisation du CINÉ pour vous ou pour vos proches … (À noter que cela marche très bien pour le stress chez les enfants et les ados également 😉
Je vous souhaite une très belle semaine !
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Sources et bibliographie: Magazine du Centre d’Etudes sur le stress Humain. volume 4, 20 novembre, 2007. Centre d’Etudes sur le stress Humain Mammouth Magazine, Numéro 10, mars 2011. www.stresshumain.ca/le-stress/comprendre-son-stress/source-du-stress.html. Bien-sûr: « Par Amour du Stress » merveilleux livre de Sonia Lupien !!!
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Bravo pour cet article qui donne de superbes pistes pour débusquer le stress
C’est clairement un poison à retirer de nos vies
À bientôt
Merci Emmanuel pour ton commentaire ! Le mauvais stress est réellement un poison effectivement. C’est un cheminement nécessaire et intéressant que d’apprendre comment nous fonctionnons individuellement face aux événements de vie et de découvrir ce qui marche pour nous afin de canaliser notre stress. N’hésite pas à partager ton expérience si tu as essayé cette approche 😉